Pourquoi la suppression de la taxe d'habitation pourrait faire augmenter les loyers

Cette thèse, qui s'est vérifiée à l'étranger, est portée par des économistes. L'impôt local sera progressivement supprimé à partir d'octobre.

La suppression de la taxe d'habitation - effective par tiers dès le mois d'octobre sur trois ans pour 80 % des Français et 100 % après 2020 - risque-t-elle de provoquer une hausse des loyers? Et donc de profiter, in fine, aux propriétaires plutôt qu'aux locataires, qui en seront, indirectement, pour leurs frais?

Cela peut sembler paradoxal mais l'interrogation, bien réelle, pointe chez certains économistes spécialisés en fiscalité. «Dans les zones tendues, la disparition de cet impôt pourrait provoquer une tension à la hausse des loyers», relève ainsi Alain Trannoy, directeur d'études à l'École des hautes études de sciences sociales. Le raisonnement n'est pas si contre-intuitif. La disparition de l'impôt local, promesse du candidat Macron pendant la campagne présidentielle votée dans le budget 2018, devrait en effet alléger le budget logement des locataires de plusieurs centaines d'euros par an: 864 euros, en moyenne, à la fin du quinquennat, ont même calculé les services de Gérald Darmanin, le ministre des Comptes et de l'Action publics.

Exemple allemand

Des locataires qui, allégés de cette charge, devraient donc être en mesure de payer des loyers… plus élevés. Et dans les zones où la compétition pour décrocher un logement est forte, comme Paris ou les grandes métropoles tendues (Lille), cela pourrait donc provoquer une inflation des loyers au bénéfice des propriétaires.

Un phénomène similaire a d'ailleurs été observé en Allemagne. Une étude, qui portait sur les conséquences pendant vingt ans des hausses de l'équivalent de la taxe foncière germanique, a en effet montré que les propriétaires ont reporté le surcroît de fiscalité sur leurs locataires. Le même type de phénomène s'observerait aussi en France avec les aides personnalisées au logement (APL). «L'augmentation des aides pour le secteur locatif privé aurait principalement entraîné une hausse du prix des loyers», assure ainsi une étude de l'Insee de 2014. Ici, la hausse des aides gonflerait le budget logement des locataires, permettant aux propriétaires d'augmenter d'autant les loyers.

Reste que la suppression de la taxe d'habitation survient alors que l'encadrement des loyers est censé modérer l'inflation immobilière dans les grandes villes, depuis 2012. En théorie, même les propriétaires qui changent de locataires ne peuvent augmenter leur loyer plus rapidement que l'inflation. Ce n'est que s'ils effectuent des travaux pour un montant supérieur à 6 mois de loyers qu'ils pourraient augmenter leur loyer de 10 % maximum.

De plus, la tendance est à la déprime actuellement sur le marché français de la location et à la modération dans les zones tendues. À Paris, les loyers n'ont augmenté que de 1 % l'année dernière et de 1,4 % à Lille.

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