Forum Libre - 2016-05-21

Journal d'un malade mental - 5e épisode.

Deux mois depuis la rechute. C'est à peu près le temps qu'il faut pour que les médicaments commencent à faire effet. Combinés avec la psychothérapie (j'ai repris jeudi), les résultats se font sentir : deux jours que l'anxiété s'est estompée et que je ne suis plus en état permanent d'hyper-vigilance. Ça permet un peu de souffler, parce qu'être constamment en alerte ça crispe et ça fait mal.

Je ne fais plus d'idéation de suicide -- le genre de pensée qui me ronge lorsque je sombre dans la dépression sévère. Car j'ai aussi un diagnostic de dépression majeure, une comorbidité courante du PTSD. Je ne pense pas que je passerai à l'acte, mais ça fait un peu flipper de ne pas pouvoir s'empêcher de voir la mort comme un moyen commode de mettre un terme à la souffrance.

Je ne le ferai pas parce que je me suis promis de ne pas foutre en l'air la vie de mes enfants : je ne sais que trop bien ce que c'est d'avoir une enfance traumatisante, et les conséquences que ça peut avoir. Je ne leur souhaite pas de vivre ce que je vis. Si je dois continuer à souffrir je le ferai, ne serait-ce que pour eux, pour briser le cycle.

Et aussi pour ma compagne : c'est dans de telles épreuves qu'on se rend compte que les formules du genre « pour le meilleur et pour le pire » c'est pas forcément du vent. Je reconnais sans peine que sans elle je n'aurais pas eu le force de tenir. Elle sait être là même quand je suis dans état où je ne veux voir personne. Le simple fait de savoir qu'elle est à mes côtés et que je peux compter sur elle -- ce simple fait est inestimable. Pour elle aussi, je tiendrai bon.

Si vous avez quelqu'un autour de vous qui souffre de maladie mentale (dépression majeure, bipolarité, trouble d'anxiété, schizophrénie, etc.) même si cette personne rejette tout le monde et se replie sur elle-même, respectez son souhait d'être seule mais ne lui tournez pas le dos, ne la jugez pas, ne lui donnez pas de conseils : faites lui juste savoir que vous êtes là si elle a besoin de quelqu'un. C'est en soi une aide énorme et ça fait toute une différence.

Dans mon malheur j'ai beaucoup de chance : j'ai le soutien de ma famille et de mes amis, et au travail les gens font preuve de compréhension. Ce n'est pas donné à tout le monde...

Je fais ma méditation quotidienne, mais j'avoue que j'ai du mal à m'immerger dedans. Peut-être qu'au bout d'un moment j'aurais le déclic, mais pour le moment ça s'apparente plus à des séances de relaxation que de pleine-conscience. C'est déjà pas mal que ça me relaxe, mais c'est pas trop ce que j'en attendais.

Au boulot les choses vont mieux aussi. Bon, OK, ma crise du début du mois nous a fait perdre un contrat important, j'en ressens encore beaucoup de honte et de culpabilité, mais le business continue et on n'a pas le temps de se tourner les pouces. J'évite d'aller en clientèle. Je travaille à distance ou au téléphone, et au final je facture autant que si j'étais sur site. Je reprends peu à peu confiance dans mon travail. Mardi (lundi est férié) je dois me rendre chez un client... ça devrait bien se passer.

Du coup tout va bien ? Les symptômes du PTSD sont sous contrôle, la vie est belle ? Pas tout à fait : ça fait deux mois que je ne dors pas plus deux à trois heures par nuit. J'ai tenu le coup jusqu'ici, mais ça ne peut pas durer éternellement. Je prends des power naps dans la voiture sur ma pause déjeuner, parce que sinon je vais me retrouver face contre terre au bureau. Je ne dors pas, mais le fait de m'allonger et de fermer les yeux, ça me recharge un peu. Je vais continuer à faire ainsi si je ne veux pas me retrouver à l'hosto. Sans compter le risque d'avoir à nouveau les fils qui se touchent, si en raison de l'épuisement je n'arrive plus à me contrôler.

J'ai rendez-vous prochainement chez le docteur, alors je ne manquerai pas d'aborder le sujet, parce que là je sens que j'arrive à ma limite...

Bon, je vais essayer de dormir un peu. Bonne nuit le FL.

/r/france Thread